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- Surtout pas de bruit dans le petit tunnel. Les gardes de Crotoy sont en poste de l’autre côté de la porte orientale: le canal passe à peine à vingt mètres. Allez-y maintenant, nous allons faire diversion.

L’homme se leva et alla rejoindre ses deux compagnons et pendant qu’ils chargeaient sur leurs épaules de gros mannequins d’osier remplis de pommes, les enfants escaladaient un à un la gouttière masquée à moitié par l’ombre du lierre. Le corps tout endolori par les coups et les doigts engourdis par le froid, Foldoard lâcha prise au moment ou il basculait dans le canal, risquant de retomber bruyamment dans le bac. Heureusement, Jacquouilles qui le suivait put le retenir et l’aider à surmonter le bord du muret. Alors, comme des grenouilles, ils progressèrent sans être vus jusqu’au petit  tunnel tout encombré de débris végétaux. Ils purent tous s’en extirper tant bien que mal, tout griffés par les ronces. Ils prirent bien garde de ne pas se faire remarquer par les trois gardes qu’ils entendaient distinctement  plaisanter grassement sous les feuillages. L’un d’entre eux se leva et s’en alla uriner sur le tronc d’un arbre  à moins de deux perches de l’aqueduc. Cette fois-ci, ils avaient eu chaud !

Ils parvinrent à remonter le canal encore quelques dizaines de mètre jusqu’à un bosquet où ils purent enfin  s’en extirper et se sécher un peu . Ils étaient tous exténués. Jacquouilles  sortit  le cor qu’il portait autour du cou et que lui avait donné Tola. Il se demandait bien quel son il pourrait bien en sortir après ce séjour prolongé dans l’eau . Il se mit à tenter de l’essuyer avec des fougères sèches. Mais oserait-il l’utiliser pour appeler Galfand, alors que la forêt était infestée de soudards ? Ce serait du même coup révéler leur présence. Alrun  qui l’observait pendant que les plus petits tachaient de récupérer un peu, lui conseilla d’attendre la nuit.

 Ils décidèrent plus tard que, dès que Jacquouilles sonnerait, ils se déplaceraient à couvert en évitant tout ce qui ressemblerait à un chemin. Ils renouvelleraient ce bref appel un peu plus loin jusqu’à ce que Galfand les trouve. En espérant bien sûr que ce soit Galfand qui les trouve les premiers. Ils entendirent à ce moment, venant du monatère encore tout proche, la cloche qui convoquait les moines à complies. Peu de temps après, le soleil disparut du ciel laissant place à l’aube rougeoyante  de septembre.  Les enfants se préparèrent à quitter leur abri provisoire. Jacquouilles brandit sa trompe … mais aucun son n’en sortit.

Excédé, Leïf lui arracha des mains et  la martela à plusieurs reprise contre le tronc d’un chêne.  Un petit gland finit par s’échapper du tuyau. Rayonnant, il tendit le cor à Jacquouilles faisant simplement :

- Tiens, essaye !

Le son du cor monta, un peu triste, au fond des bois. Aussitôt, il y eut un grand silence suivit quelques minutes après d’une cavalcade à quelques centaines de mètres qui leur parvenait grandissante sur le chemin. Vite, ils bifurquèrent pour aller se cacher précipitamment dans le buisson de fougères le plus proche. Il n’avait pas parcouru plus de deux cent pas.

Les trois cavaliers  qui gardaient la porte passèrent à quelques toises d’eux heureusement sans les voir. Dieu merci, la lumière baissait vite en forêt !...

Galfand, du haut de son observatoire  sur le toit de la petite colonie tout à fait au nord, entendit aussitôt la plainte que le  faible vent du soir portait de feuille en feuille  affaiblissant  son écho.

- Les enfants m’appellent !...ne put s’empêcher de s’exclamer le ménestrel en se redressant imprudemment.

Il avait observé  avec inquiétude le mouvement des troupes  encerclant tout le domaine. Il fallait maintenant aller très vite. L’endroit où ils se trouvaient  devait être tout proche. Depuis sa position à vue de nez, dans le soir tombant , il le situait à quatre cent pas dans la forêt sur la rive gauche du Tahr. Leurs chevaux étaient cachés dans une grange de St Léger au Nord Ouest de l’abbaye. S’il partait à pied à la recherche des enfants, en admettant que les cavaliers de Crotoy ne les retrouvent pas avant lui, ceux-ci couperaient forcément leur retraite et il leur serait alors  impossible de récupérer leurs montures. Il lui apparut que toutes les patrouilles de l’ennemi allaient fondre sur cette sonnerie. Il prit le parti risqué d’aller chercher ses chevaux à Saint Léger avant de tenter d’exfiltrer les enfants. Il avait pour lui  deux facteurs favorables : l’obscurité qui, malgré la clarté de cette nuit d’été, n’allait pas tarder à fondre sur la forêt et sa connaissance parfaite des sentiers qui lui donnait un avantage certain sur tous les mercenaires de l’évêque. Il pouvait aussi compter sur le chien Buba pour retrouver plus vite la piste de Jacquouilles.-

Course folle